(DES ORDRES)

CARCASSE

21

« tu m’fais chier, carcasse.
sérieux, tu sais que ça me fait vriller. »
croco a l'coeur en lambeaux depuis qu’t’es là.
cette bouche vierge de tout amour, il la voulait rien que pour lui, mais quand tu reviens l’soir, qu’elle est pourpre et violée, qu’tu t’écrases sur le matelas la mine patibulaire, une dose dramatique de cocaïne dans chaque narine, croco perd tous ses moyens.

quand t'étais sur son palier, poète à la sensibilité exacerbé qu'il était, croco s'est dit que c'était l'amour qui frappait à sa porte, qu'il aurait toujours d'la place dans son studio minable pour le fantasme de ses années collège. mais gamine, t'avais le coeur en cendre, tu n'savais pas l'aimer, croco. ses petites ridules au coin des yeux, son visage amoché par un quotidien qui l'épuisait, ses globes injectés d'sang - croco était colérique, le soir. croco multipliait les ecchymoses, croco te repeignait en mauve en te traitant de garce parce que ton métier t'dévalorisait, qu't'étais pas une montre de luxe, qu't'avais rien à foutre au bras d'ces hommes trop riches. des envies de meurtre le transcendait quand il t'imaginait écartant les cuisses pour ces vieux pourris après avoir paradé, paon déguisé en prada, parmi ces rangs de bourges s'entassant dans leurs pseudos dîners d'affaire - de ridicules mascarades, qu'il disait, mégot entre les lèvres.

la solitude de cette besogne dégradante, c'est une mise en bière progressive. carcasse, t'as besoin de rêves, les étoiles s'font rares, s'éteignent trop vite. besoin d'une trace pour y voir clair, besoin d'une trêve dans toute cette crasse.

marie ☆ dix-huit ☾ je viens de « quelque part » ☄ ellie martin ג urbains