Subu, comme d'habitude, il a l'air de trainer son corps, son âme, sa peine, et une trentaine de charrue. Bae reste assise contre son arbre, ferme son livre ouvert, fixe sur la couverture. Ses doigts effleurent le titre, l'image. Une nature morte, un bouquet de bleuets, une planche de bois, et un papier déplié qui ressemble à une lettre. Une lettre d'amour, peut être. Ou d'adieu, surement. La tranche est usée. Dessus, les caractères sont ridés de traces blanches que l'usure à tracé. Un peu à la manière des hommes, les livres prenaient des rides au fur et à mesure qu'on les ouvrait, les refermait, les trainait dans le fond d'un sac ou sur le banc d'un métro. Les doigts de Bae se posent sur deux minuscules trou en bas de la page. Des trous d’agrafes, ou de mites. Bae tapa sa main sur le sol à côté d'elle, invitant Subu à s'asseoir lui aussi sur le siège de fortune qu'est le sol. "C'était lundi. Un vieux monsieur, tout chétif. Il avait un carton à moitié plein. Que des classiques. Grand-mère a failli le renvoyer d'où il venait, parce qu'on avait déjà tous ses livres en trois ou quatre fois. Moi j'ai dis qu'on les prenait. Parce qu'ils sentaient le café." Elle amena le livre sous son nez, et une légère effluve d'arabica lui donna raison. Bae sourit bêtement, les yeux divaguant sur les branches nues du tilleul. Le tableau se dessinait. Elle se plaisait à voir ce vieux monsieur assis sur la table en bois de sa cuisine. Une vieille cuisine, couleur café, odeur café, avec les faïences beige et marronâtre, les meubles en pin, vieillis par la fumée de la pipe. Il écrit une lettre le vieux. A côté de lui, y'a sa cafetière italienne à piston. Et devant lui, sa tasse fumante. C'est presque midi. Il a les lunettes sur le bout de son nez, et il agite sa plume sur son papier. On entend le balancement de l'horloge, et le tabac qui crépite dans sa pipe en bois. Le bruissement continue de son écriture. Le mur du fond, il est rempli de livres. Une bibliothèque entière. Que des classiques. Tous bien classé, par ordre de sortie. Sur la table, il y a le carton, presque à moitié plein. Le vieux note les bouquins qu'il y en double sur les étagères. Quelques jours plus tard, il décidera de les donner à la grand-mère bulgare du marché aux livres. Bae laisse tomber sa tête vers Subu, à qui elle vient de décrire le tableau. "Tu penses qu'il vivait seul, dit ?"
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