et dans le port déjà sombre
tu n'as aucun mal à repérer
l'ombre que tu es venue visiter
parmi les silhouettes courbées
-par le poid de gris, sûrement
une attire ton attention :
il est assis, face aux vagues
ses épaules se soulèvent
au rythme des eaux bleues
qui s'approchent puis
repartent.
tu pourrais le regarder,
longtemps.
parce que,
il a presque l'air paisible.

tu sais que dans son crâne
ça chauffe et ça brûle, même.
tu devines le feu qui parcourt
son corps frêle et gris.
et tu te sens coupable
parce que le gris, c'est mauvais
parce que le gris, ça détruit.
et tu ne veux pas le détruire, lui.

alors tu t'approches et tu t'assois.
épaule contre épaule tu veux
sentir tes épaules se soulever
comme les vagues
mais il sursaute et
les vagues fuient,
encore.
bonsoir..
tu baisses les yeux sur le sachet
que tu presses dans tes mains
depuis que tu as gagné le port
et le tend vers lui, sourire aux lèvres.
je me suis dit que ça te plairait;
ils sont aux piments
tu voudrais lui dire,
que ces pastilles sont comme lui
qu'elles sont d'abord fortes,
qu'elles font l'effet du feu sur la langue
puis qu'elles deviennent douces
que c'est comme croquer
un bout de ciel
mais un ciel bleu, pas un gris,
pas un d'ici.
tu voudrais lui parlais des ciels
les azurs que tu as vu ailleurs
et tu le feras sûrement, plus tard.

pour l'instant, ta bouche et trop
occupée, à lui sourire et tes yeux,
tes yeux cherchent les siens
parce que tu sais,  que t'arrives
toujours à lui décrocher
un sourire
puis que le tien, reflète dans
ses yeux,
ses orbites,
indéchiffrables.

subu s'est fait son fix.
il essaie à chaque dose de raccomoder
son ciel gris qui part en vrille
avec des bouts de ciels
bleu
vert
jaune
cirrhose.
il essaie du mieux qu'il peut.
il veut toujours crever,
mais il a pas d'courage.
alors en attendant
il répare son ciel
comme un filet de pêche.

il aimerait bien mourir.
il aimerait bien se jeter à la mer
laisser son corps dériver
parmi les vagues qu'il connaît si bien.
se laisser aller.
rester l'ombre qu'il est.
mais ne plus souffrir.
ne plus mettre de sucre sur ses blessures.
pour les empêcher de cicatriser qu'il dit.
il aimerait bien crever,
se jeter dans le vide et s'envoler,
laisser son corps espérer,
flirter avec les mouettes qu'il connaît si bien.
croire qu'il peut voler.
devenir un oiseau.

mais il ne peut pas.
pas ce soir.
pas alors qu'il va la voir.
il peut pas montrer
cette horreur-là, à son sucre d'orge.
il ne veut lui montrer
que les couleurs de la vie.
pour elle il redevient enfant,
pour elle il perd ses couleurs de revenant.

c'est qu'il a l'air malin,
le grand dadais aux cheveux trop longs.
les mains dans les poches,
le sourire aux lèvres,
on croirait un gosse amoureux.
amoureux de la vie.
putain, mais quelle ironie.
il devrait s'barrer.
avant de la péter.
mais il reste.
une grande silhouette trop maigre,
assise sur la jetée.
les pieds dans le vide qui se balancent,
l'odeur de la mer, un parfum de vacances.

elle le rejoint.
elle sent la cannelle, et le pain d'épices.
sa peau chocolatée
tranche avec son teint blafard.
elle lui sourit.
et il ne peut pas s'empêcher de sourire aussi.
c'est elle ses bouts de ciel bleu.
c'est elle que même la drogue ne peut réduire,
ne peut enlaidir.
tout est moche pour subu.
mais pas lian.
pas elle.


salut ma canne.
surnom sucré.
il en a plein.
autant qu'elle a de bonbons.
t'es un amour, viens, on les goûte.
il aimerait embrasser sa joue
caresser sa main
la câliner
plus la lâcher.
mais il veut pas la casser,
ou la salir,
avec ses sales pattes pleines de poudre.
il a des tas de choses à lui montrer encore.
il a même des tas d'idées.
j'espère que t'as pas peur
de te mouiller un peu les pieds, berlingot.
t'savais que y avait des p'tits crabes ici ?[/u]